Vous
avez certainement entendu ronronner ces groupes électrogènes à
l’occasion d’un festival, d’un évènement en plein air ou sur un
chantier. De nos jours, les besoins en électricité « mobile » sont
presque uniquement couverts par les carburants fossiles. Pour décarboner
ces activités, une jeune société marseillaise conçoit et fabrique en
France des batteries mobiles ultra-robustes de grande capacité.
Un
appareil électrique ou électronique fabriqué en France ? C’est très
rare, mais ça existe ! Implantée à Marseille, la start-up PESS Energy
(Pillot Energy Storage Solutions) développe et produit localement ses
deux modèles de batteries industrielles mobiles. En 2022, sa petite
usine des quartiers nord de la cité phocéenne a assemblé 150 exemplaires
totalisant 1 MWh de capacité de stockage d’électricité. Pour satisfaire
la demande, les effectifs passeront d’ailleurs de 8 à 16 employés.
Un démarrage impressionnant pour cette société créée début 2021, il y
a seulement deux ans. Ses batteries « Wattman » de 10 kWh pour 6 kW de
puissance et « Bobine » de 5 kWh pour 3 kW, s’arrachent comme des petits
pains dans l’industrie du cinéma. Son carnet de commande est rempli à
60 % pour 2023, avec une production prévue entre 3 et 4 MWh, explique
Rémi Pillot, le fondateur de PESS.
Du van électro-solaire aux batteries mobiles
Cet ingénieur en mécanique automobile et aéronautique a acquis une
expérience poussée dans le domaine des batteries à l’occasion d’un
premier projet professionnel. En 2020, pour lancer son activité de
conversion de véhicules de collection vers l’électrique, l’entrepreneur a
réalisé un tour de France 100 % solaire
à bord d’un vieux van Volkswagen électrifié par ses soins. L’engin
était alimenté par une remorque équipée de puissantes batteries et d’une
centrale photovoltaïque amovible.
«
En revenant à Marseille après le tour de France en van solaire, c’est
l’industrie du tournage de films qui est venue me voir. Ça les
intéressait beaucoup d’avoir l’équivalent de ma remorque solaire, alors
j’ai commencé à leur fabriquer des powerbanks [petites batteries mobiles, NDLR] à partir de batteries de voitures électriques » nous confie Rémi Pillot.
Les sociétés spécialisées dans la location de matériel audiovisuel représentent aujourd’hui l’essentiel de sa clientèle.
« Dans le cinéma, ils ont de grands besoins en énergie très mobile et
silencieuse. L’usage de générateurs thermiques est interdit dans de
nombreux endroits et ils auront bientôt des problématiques
réglementaires » explique-t-il. « Tous nos produits peuvent se recharger avec des panneaux solaires pour être utilisés en totale autonomie, sur un chantier ou un évènement où il n’y a aucun accès à l’énergie »
précise l’entrepreneur. Ainsi, le monde de l’évènementiel et du BTP
s’intéresserait également à ces batteries ultra-mobiles et résistantes.
Images : PESS Energy.
Une batterie tout-terrain à partir de 8 500 €
Elles se présentent sous la forme d’un chariot à roulettes
d’apparence très robuste avec son épaisse structure en acier. Pesant de
50 à 85 kg, les batteries de PESS Energy renferment 5 à 10 kWh de
batteries ainsi que l’électronique nécessaire pour délivrer, convertir
et transformer le courant ainsi que pour les recharger. « Bobine », la
plus petite, est vendue 8 500 € hors taxes (HT) et « Wattman », de plus
grande capacité, est commercialisée 13 990 € HT. Des tarifs « publics et avant négociation » précise Rémi Pillot.
Concrètement, « Bobine » est par exemple capable d’alimenter un
moniteur et deux « mandarines » (un type de projecteur halogène
couramment utilisé dans le cinéma) en continu pendant 3 heures. «
Wattman » peut quant à lui alimenter un puissant système de sonorisation
en extérieur (2 × 600 W) pendant plus de 8 heures.
« On a des produits très compacts, pas très lourds et qui ne
craignent pas les chocs. Un travail important a été fait sur la
réduction du poids et la vraie innovation, ça a été d’arriver à tout
faire rentrer dans le packaging, avec toutes les sécurités et que ça
soit facile à réparer » détaille Rémi Pillot. Ses batteries auraient été conçues avec « les mêmes contraintes que celles de l’industrie automobile ».
Bientôt des batteries géantes pour les festivals et chantiers ?
La France ne produisant pas de cellules de batteries, ces dernières
proviennent de Chine. PESS affirme se fournir directement auprès de
grands fabricants chinois, mais souhaiterait pouvoir proposer un
approvisionnement plus circulaire « dès qu’on aura des sources importantes de batteries recyclées ». Un sujet cher à Rémi Pillot, qui a utilisé d’anciennes batteries de Tesla pour assembler son van électro-solaire.
Vendues dans plusieurs pays d’Europe, les batteries mobiles de PESS
Energy sont entretenues à travers un réseau de réparateurs agréés. « Ils sont les seuls à pouvoir ouvrir les machines » explique le fondateur. «
Ça peut arriver que les produits soient endommagés et il faut pouvoir
changer un composant rapidement au plus près des utilisateurs »
détaille-t-il. Sur les 150 batteries déjà en circulation, il n’y aurait
pour l’instant aucun retour de clients. Pas de nouvelle, bonne nouvelle,
à priori.
Alors que l’entreprise s’installera au printemps 2023 dans un nouvel
atelier plus vaste situé dans le 10ᵉ arrondissement de Marseille, elle
prépare déjà l’élargissement de sa gamme. Après les petites « Bobine »
et « Wattman » manipulables à la main, PESS Energy dévoilera
prochainement « des grosses batteries entre 50 et 100 kWh qui seront relativement lourdes et volumineuses ».
Pesant jusqu’à 800 kg, les machines seront installées sur des
remorques ou transportables par camion plateau. Si elles nécessitent une
plus grosse logistique, ces batteries permettront d’alimenter en
électricité bas-carbone de grands chantiers, festivals et évènements.
Deux batteries de 100 kWh suffiront, par exemple, à fournir le courant
nécessaire au système de sonorisation d’un concert en plein air pour 5
000 spectateurs pendant 4 heures. Autrement, sur un chantier, une seule
batterie pourra alimenter une flotte de 10 marteaux-piqueurs utilisés en
continu pendant 5 heures.