mardi 2 juin 2015

Fifa : que retiendra-t-on de l'ère Blatter ?

Fifa : que retiendra-t-on de l'ère Blatter ?
 
© FABRICE COFFRINI / AFP

Fraîchement réelu, Sepp Blatter, en poste depuis 1998 a annoncé mardi sa démission de la présidence de la Fifa à la suite des nombreux scandales financiers et de corruption qui éclaboussent l'institution

Fin de partie. Contre toute attente, Sepp Blatter, 79 ans, a annoncé mardi sa démission de la présidence de la Fifa à la suite des nombreux scandales financiers et de corruption qui éclaboussent l'institution et qui ont entaché sa réélection pour un cinquième mandat vendredi à Zurich. En poste depuis 1998, le Valaisan a indiqué qu'il convoquait un congrès extraordinaire où il remettra en jeu son mandat et au cours duquel son successeur sera élu.
Pourtant depuis 1998, le maître incontesté et insubmersible de la Fifa avait réussi à sortir (quasiment) indemne de toutes les épreuves. Alors, quel est le bilan de Sepp Blatter à la tête de l’instance suprême du foot mondial ?
>> Le bilan sportif : un football mondialisé
Afrique, Asie, Amérique du Sud : le football s’est implanté sur tous les continents sous l’ère Blatter. Sous le mandat du Suisse, la Coupe du Monde a posé pour la première fois ses valises en Asie (Mondial 2002 au Japon et en Corée du Sud) et en Afrique (2010, Afrique du Sud). Les meilleures équipes de la planète fouleront également les pelouses d’un pays arabe, au Qatar en 2022. "Au niveau institutionnel, la Fifa s’est démocratisée. La Coupe du Monde a atteint tous les continents, c’est un symbole très fort", analyse Pim Verschuuren, chercheur à l’Iris (Institution de relations internationales et stratégiques) et spécialiste de l’impact du sport dans les relations internationales, interrogé par Europe 1.
Sepp Blatter a également lancé de nombreux programmes de développement du football à destination de l’Afrique ou de l’Asie. "Cela a permis à tous ces pays de s’acheter de nouveaux ballons, de construire des stades, de rénover leurs infrastructures sportives", souligne le chercheur. "Les mauvaises langues diront cependant que ce développement a été fait pour de mauvaises raisons. Les critiques estiment que ces programmes ont davantage été des manœuvres pour convaincre les membres des fédérations nationales de voter pour lui."
Quoiqu’il en soit, le Suisse s’est assuré de solides appuis dans le monde du football. La Confédération africaine de football (CAF) s’est ainsi opposée à tout report de l’élection à la présidence de la Fifa, vendredi à Zurich, malgré les nouveaux scandales. Mercredi soir, le comité exécutif de la CAF avait même réitéré son soutien au Suisse, selon les confidences d’un responsable d’une fédération africaine sous couvert d’anonymat à l’AFP.
>> Le bilan financier : de l’argent et des problèmes
La Fifa se porte bien, merci pour elle. En 10 ans, les revenus liés aux Coupes du monde ont progressé de 66%, selon Les Echos. Le Mondial au Brésil, en 2014, a ainsi généré 5,7 milliards de dollars de recettes, contre 1,94 milliards en 2002, au Corée du Sud et au Japon. "Blatter laissera une poule aux œufs d’or derrière lui. On peut applaudir le développement commercial, les recettes ont explosé. C’est donc une réussite pour l’ensemble du football, puisque les recettes sont reversées aux fédérations nationales", juge Pim Verschuuren.
Mais cette manne financière est aussi à l’origine des scandales de corruption qui touchent la Fifa. Le dernier en date : la justice américaine soupçonne sept hauts responsables de la Fifa d’avoir reçu ou distribué plus de 150 millions de dollars pour les droits de diffusion de tournois internationaux depuis 1991. "Le développement de la Fifa a eu beaucoup d’effets négatifs. Tout cela aurait pu être fait avec plus de transparence et surtout avec moins de corruption", critique le chercheur de l’Iris.
>> L’image de la Fifa : une catastrophe
Sportivement et financièrement, le bilan de Sepp Blatter à la Fifa se défend. Difficile d’en dire autant sur l’empreinte laissée par le passage du Suisse à la tête de l’instance du foot mondial. Entre les soupçons de corruption des Coupes du Monde 2018 et 2022, les scandales à répétition, l’image de la Fifa a été régulièrement écornée. "La Fifa ne peut pas tomber plus bas", déplore Pim Verschuuren.
"Mais il ne faut pas taper uniquement sur Sepp Blatter et les membres de la Fifa", nuance le chercheur. "Les membres des délégations de candidatures à la Coupe du Monde, ceux qui proposent de l’argent, sont autant à condamner que ceux qui acceptent ces sommes. Le constat est le même pour certains sponsors, qui ont été tentés de verser des pots-de-vin pour emporter de juteux contrats". L’ensemble de la gouvernance du foot mondial serait donc à revoir, selon Pim Verschuuren. Difficile cependant d’imaginer Sepp Blatter endosser le costume du chevalier blanc, après 17 ans de mandats marqués par d’incessants scandales à la tête de la Fifa.
La démission de Sepp Blatter intervient quelques heures à peine après de nouvelles accusations du New York Times visant cette fois le Français Jérôme Valcke, secrétaire général de la Fifa et bras droit de Sepp Blatter.

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