Fifa : que retiendra-t-on de l'ère Blatter ?
Fraîchement réelu, Sepp Blatter, en poste depuis 1998 a annoncé mardi sa démission de la présidence de la Fifa à la suite des nombreux scandales financiers et de corruption qui éclaboussent l'institution.
Fin de partie. Contre toute attente, Sepp Blatter, 79 ans, a annoncé mardi sa démission de la présidence de la Fifa à la suite des nombreux scandales financiers et de corruption qui éclaboussent l'institution et qui ont entaché sa réélection pour un cinquième mandat vendredi à Zurich. En poste depuis 1998, le Valaisan a indiqué qu'il convoquait un congrès extraordinaire où il remettra en jeu son mandat et au cours duquel son successeur sera élu.Pourtant depuis 1998, le maître incontesté et insubmersible de la Fifa avait réussi à sortir (quasiment) indemne de toutes les épreuves. Alors, quel est le bilan de Sepp Blatter à la tête de l’instance suprême du foot mondial ?
>> Le bilan sportif : un football mondialisé
Afrique,
Asie, Amérique du Sud : le football s’est implanté sur tous les
continents sous l’ère Blatter. Sous le mandat du Suisse, la Coupe du
Monde a posé pour la première fois ses valises en Asie (Mondial 2002 au
Japon et en Corée du Sud) et en Afrique (2010, Afrique du Sud). Les
meilleures équipes de la planète fouleront également les pelouses d’un
pays arabe, au Qatar en 2022. "Au niveau institutionnel, la Fifa s’est
démocratisée. La Coupe du Monde a atteint tous les continents, c’est un
symbole très fort", analyse Pim Verschuuren, chercheur à l’Iris
(Institution de relations internationales et stratégiques) et
spécialiste de l’impact du sport dans les relations internationales,
interrogé par Europe 1.
Sepp Blatter a également
lancé de nombreux programmes de développement du football à destination
de l’Afrique ou de l’Asie. "Cela a permis à tous ces pays de s’acheter
de nouveaux ballons, de construire des stades, de rénover leurs
infrastructures sportives", souligne le chercheur. "Les mauvaises
langues diront cependant que ce développement a été fait pour de
mauvaises raisons. Les critiques estiment que ces programmes ont
davantage été des manœuvres pour convaincre les membres des fédérations
nationales de voter pour lui."
Quoiqu’il en
soit, le Suisse s’est assuré de solides appuis dans le monde du
football. La Confédération africaine de football (CAF) s’est ainsi
opposée à tout report de l’élection à la présidence de la Fifa, vendredi
à Zurich, malgré les nouveaux scandales. Mercredi soir, le comité
exécutif de la CAF avait même réitéré son soutien au Suisse, selon les
confidences d’un responsable d’une fédération africaine sous couvert
d’anonymat à l’AFP.
>> Le bilan financier : de l’argent et des problèmes
La Fifa se porte bien, merci pour elle. En 10 ans, les revenus liés aux Coupes du monde ont progressé de 66%, selon Les Echos.
Le Mondial au Brésil, en 2014, a ainsi généré 5,7 milliards de dollars
de recettes, contre 1,94 milliards en 2002, au Corée du Sud et au Japon.
"Blatter laissera une poule aux œufs d’or derrière lui. On peut
applaudir le développement commercial, les recettes ont explosé. C’est
donc une réussite pour l’ensemble du football, puisque les recettes sont
reversées aux fédérations nationales", juge Pim Verschuuren.
Mais
cette manne financière est aussi à l’origine des scandales de
corruption qui touchent la Fifa. Le dernier en date : la justice
américaine soupçonne sept hauts responsables de la Fifa d’avoir reçu ou
distribué plus de 150 millions de dollars pour les droits de diffusion
de tournois internationaux depuis 1991. "Le développement de la Fifa a
eu beaucoup d’effets négatifs. Tout cela aurait pu être fait avec plus
de transparence et surtout avec moins de corruption", critique le
chercheur de l’Iris.
>> L’image de la Fifa : une catastrophe
Sportivement
et financièrement, le bilan de Sepp Blatter à la Fifa se défend.
Difficile d’en dire autant sur l’empreinte laissée par le passage du
Suisse à la tête de l’instance du foot mondial. Entre les soupçons de
corruption des Coupes du Monde 2018 et 2022, les scandales à répétition,
l’image de la Fifa a été régulièrement écornée. "La Fifa ne peut pas
tomber plus bas", déplore Pim Verschuuren.
"Mais
il ne faut pas taper uniquement sur Sepp Blatter et les membres de la
Fifa", nuance le chercheur. "Les membres des délégations de candidatures
à la Coupe du Monde, ceux qui proposent de l’argent, sont autant à
condamner que ceux qui acceptent ces sommes. Le constat est le même pour
certains sponsors, qui ont été tentés de verser des pots-de-vin pour
emporter de juteux contrats". L’ensemble de la gouvernance du foot
mondial serait donc à revoir, selon Pim Verschuuren. Difficile cependant
d’imaginer Sepp Blatter endosser le costume du chevalier blanc, après
17 ans de mandats marqués par d’incessants scandales à la tête de la
Fifa.
La démission de Sepp Blatter intervient quelques heures à peine après de nouvelles accusations du New York Times visant cette fois le Français Jérôme Valcke, secrétaire général de la Fifa et bras droit de Sepp Blatter.
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