mercredi 26 novembre 2014




L'Allemagne montre ses muscles sur la scène internationale

   Le Point   

Après six décennies de relative discrétion, la République fédérale a décidé de s'exprimer haut et fort. Elle s'empare du dossier russe.

Angela Merkel au côté de Vladimir Poutine, ici en 2009 (illustration).
 
 
Angela Merkel au côté de Vladimir Poutine, ici en 2009 (illustration). © AFP PHOTO DDP / CLEMENS BILAN GERMANY OUT

L'aigle allemand ne cherche plus à cacher ses griffes sur la scène internationale. Longtemps marquée par la Seconde Guerre mondiale, la République fédérale a joué profil bas pendant plus de six décennies lors des crises politiques et diplomatiques mondiales. Malgré son statut de plus grande puissance économique de la zone euro, Berlin préférait rester en retrait derrière Paris ou Londres, qui représentaient la "voix de l'Europe" lors des grandes négociations. L'Allemagne a choisi aujourd'hui de ne plus passer par des "intermédiaires" pour faire connaître son opinion. La ministre de la Défense, Ursula von der Leyen, ne cesse ainsi de rappeler que "l'indifférence n'est pas une option" pour son pays. L'ancien secrétaire d'État américain Henry Kissinger juge, lui aussi, que "l'Allemagne est condamnée à prendre plus de responsabilités" sur la scène planétaire. Quitte à taper du poing sur la table...
La crise actuelle entre Moscou et Bruxelles montre à quel point notre voisin a perdu tous ses complexes d'infériorité ces dernières années. Lors d'un discours prononcé devant le Lowy Institute for International Policy de Sydney quelques heures après la fin du sommet du G20 à Brisbane, en Australie, Angela Merkel n'a ainsi pas hésité à tirer à boulets rouges sur la Russie. "Après les horreurs des deux guerres mondiales et la fin de la guerre froide, considérer que l'est de l'Europe reste le terrain de jeu de la Russie met en danger l'équilibre de la paix sur notre continent", a martelé la chancelière. Comme pour confirmer ses propos déjà fort peu diplomatiques, la chef du parti chrétien-démocrate (CDU) a rappelé que "la crise en Ukraine n'est pas une affaire régionale. Elle nous concerne tous." Fermez le ban... Bien décidée à empêcher Moscou d'étendre son influence à l'est de ses frontières, Angela avait convié cet été tous les dirigeants des Balkans occidentaux (Albanie, Bosnie-Herzégovine, Croatie, Kosovo, Macédoine, Monténégro, Serbie, Slovénie) à se réunir à Berlin pour parler des relations de ces nations avec l'Union européenne. Le choix même d'organiser ce forum dans la capitale fédérale et non pas à Bruxelles représentait un symbole fort de la volonté de l'Allemagne de prendre les choses en main sans passer par "la case UE".

35 conversations avec Poutine

L'éclatement de la crise financière en 2008 a éliminé la plupart des complexes dont souffraient nos voisins. Obligé de venir à la rescousse de plusieurs de ses voisins sans le sou, Berlin a décidé d'exiger des contreparties de ses "débiteurs", en les obligeant notamment à mieux contrôler leurs finances publiques. La crise ukrainienne a également encouragé Angela Merkel à jouer le rôle d'intermédiaire entre Kiev et Moscou. Depuis mars, la chancelière a ainsi eu 35 conversations téléphoniques avec Vladimir Poutine. Les bonnes performances économiques de l'Allemagne ont aussi renforcé la crédibilité de l'ancienne physicienne est-allemande qui est de surcroît la plus "ancienne" membre à siéger au Conseil européen. Les problèmes politiques et économiques en France ainsi que la montée inquiétante du FN ont enfin persuadé Berlin de ne plus passer par Paris pour faire entendre sa voix sur la scène internationale.
Pour faire avancer les dossiers qui lui tiennent à coeur, Angela Merkel a également eu l'intelligence de placer des Allemands à des postes-clés au coeur des institutions européennes. La France ne compte ainsi qu'un seul et unique chef de cabinet et un chef de cabinet adjoint dans les cabinets des commissaires de Jean-Claude Juncker, alors que notre voisin compte cinq chefs de cabinet et trois chefs de cabinet adjoints, dont le chef de cabinet du président de la Commission. Le secrétaire général du Parlement européen, le directeur du mécanisme européen de stabilité, le secrétaire général du Conseil de l'Union européenne, le patron de la Banque européenne d'investissement et le président du Parlement européen sont également tous allemands, tout comme les chefs de trois groupes politiques du Parlement européen, dont le plus important, celui des conservateurs du Parti populaire européen. L'aigle a déployé ses ailes...


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