Anba Macaya : une épopée spéléo en Haïti, à suivre sur Futura-Sciences
Durant six
semaines, l'équipe de l'expédition intitulée « Anba Macaya, verticales
souterraines », va explorer un réseau inconnu de grottes et de rivières
souterraines en Haïti. L'enjeu est géologique, géographique, économique
et humain, dans une région peu explorée, riche d'une forêt primaire
d'altitude. Menés par Olivier Testa, les spéléologues tenteront
d'atteindre le point le plus profond de la Caraïbe, de cartographier ce
réseau dont on ignore tout... et de raconter leurs aventures et
découvertes aux lecteurs de Futura-Sciences. Épisode pilote du
feuilleton : on plante le décor.
Le 20/09/2013 à 15:20
-Par
Les yeux de Marie-Jeanne : un endroit
célèbre de la grotte du même nom qui se trouve près de Port-à-Piment, au
sud du massif de Macaya, lieu de l'expédition. Dans ce sous-sol
karstique, l'eau a creusé un labyrinthe, à peu près inexploré, de
galeries, de grottes et de rivières souterraines. © Jean-François
Fabriol
Ils sont 7, âgés de 28 à 63 ans, à se préparer à descendre sous terre
tous les jours pour cartographier jusqu’à son plus profond un petit
coin de la Terre encore très mal connu. Il se trouve en Haïti, à
l’extrémité ouest de l’île Hispaniola,
sur le haut plateau de Formon. Là, dans ce qui est devenu le parc
Macaya, au cœur du massif et au pied du pic éponymes, se trouve l’une
des dernières forêts primaires du pays.
« Elle est préservée parce qu’elle se trouve en altitude et qu'elle est protégée par une situation géographique difficile », nous explique Olivier Testa, responsable de l’exploration spéléologique. Nos lecteurs le connaissent pour nous avoir fait découvrir les grottes sacrées de l’Ouest Cameroun ainsi… que des crocodiles orange.
Le massif Macaya, où a lieu l'expédition, se trouve sur la pointe ouest de l'île Hispaniola, en Haïti. L'équipe s'est installée sur le plateau Formon, entre 1.000 et 1.500 m d'altitude et cherchera des puits verticaux pour accéder au réseau de grottes et de galeries. Les noms visibles ici (cliquer sur l'image pour mieux les lire) ne sont pas mentionnés par Google Earth et ont été ajoutés par l'équipe. © Expédition Anba Macaya, verticales souterraines, Google Earth
Vers le record de profondeur de la Caraïbe ?
L’expédition débutera ce 21 septembre et s’achèvera 6 semaines plus tard, le 1er novembre.
L’équipe espère bien que ce temps lui suffira pour démêler l’écheveau
de galeries et de grottes qui, à coup sûr, traverse ce massif calcaire.
Le nom de l’expédition, Anba Macaya, signifie d’ailleurs « dans les
profondeurs de Macaya » en haïtien. Les spéléologues comptent même
atteindre le point le plus profond de la Caraïbe,
au-delà de mille mètres de profondeur sous la surface du sol. L’idée
est de tenter d’accéder par l'intérieur du massif à la résurgence de ces
eaux, repérée sur des images satellite.
L’équipe de spéléologues partira
du plateau Formon et y cartographiera les puits d’accès vers le réseau
souterrain, mais recherchera également les entrées sur le flanc du
plateau, pour des accès horizontaux. Si le titre de l’expédition se
termine par « verticales souterraines », c’est cependant parce que
l’essentiel du travail se fera dans les puits. « Ce sera une expédition sportive, commente Olivier Testa. Nous
amenons un kilomètre de cordes pour pénétrer par les grands puits. Les
entrées horizontales, nous ne les atteindrons qu’ensuite. »
L’équipe presque au complet dans la grotte Favot, lors d’un entraînement dans le Vercors, en juin 2013. Debout derrière (de gauche à droite), Matthieu Thomas et Marie-Pierre Lalaude-Labayle ; accroupis (de gauche à droite), Stéphanie Jagou, Pascal Orchampt et Olivier Testa. Manquent Anne-Sophie Brieuc et Jean-François Fabriol. © Olivier Testa
Trouver le chemin de l'eau en Haïti
En plus de cet objectif géologique, l’expédition a
d’autres buts. La responsable à l’initiative de l’expédition,
Marie-Pierre Lalaude-Labayle, n’est d’ailleurs pas spéléologue mais
spécialiste en ingénierie de l’eau.
La question de l’eau est en effet l'une des préoccupations majeures
pour cette région, dans laquelle les habitants voient les pluies
s'infiltrer dans le sol sans créer de rivières.
Il s’agit aussi de valoriser cette belle région,
dans un pays qui a beaucoup souffert et qui a vu le tourisme s’écrouler
en raison de l'instabilité politique d’Haïti. « C’est un milieu karstique dans lequel se trouvent de nombreuses grottes, explique Olivier Testa. Quelques-unes sont déjà gérées par le ministère du Tourisme et commencent à être connues. »
Coulée de calcite et gours (les blocs de concrétions) dans la grotte Marie-Louise Boumba en Haïti, en février 2013. © Jean-François Fabriol
Au cœur d'une île mal connue
« Il s’agit pour nous de réaliser un inventaire
de ces ressources et de ces possibilités. C’est vraiment un territoire
méconnu et nous ne savons pas exactement ce que nous allons trouver. Il
est bien possible, par exemple, que nos découvertes intéressent les paléontologues,
car il arrive que des animaux tombent dans ces trous, au fond desquels
on remarque souvent des squelettes. Il peut aussi y avoir des objets
faits de main d’Homme et jetés là. »
L'ingénieur spéléologue rappelle que l’histoire
précolombienne de l’île est encore peu précise. Après l’arrivée de
Christophe Colomb, les indiens Taïnos ont été exterminés. Et bien avant,
quand ils se sont installés sur Hispaniola, ces Indiens
avaient décimé les grands animaux et, peut-être, les populations
humaines qui s’y trouvaient déjà et dont on sait peu de choses.
C’est cette expédition géologique et humaine, aux
aspects multiples, que Futura-Sciences vous invite à suivre dans les
prochaines semaines. Les membres de l’équipe nous expliqueront leur
progression, leurs découvertes et leur vie entre ciel et terre.