lundi 13 janvier 2014

Gagner des titres n'a jamais garanti une victoire au Ballon d'Or

Depuis 2010, le palmarès de l'année tient une place moindre dans les critères d'attribution du Ballon d'or. Mais même avant, gagner n'offrait aucune certitude.

Le Ballon d'or. Son palmarès. Ses critères. Ses polémiques. Comment désigne-t-on le meilleur joueur du monde ? Comment distingue-on une individualité dans une discipline collective ? Pour permettre aux votants de faciliter leur choix, le précieux trophée s'appuie sur une série de critères bien spécifiques. Ceux-ci ont considérablement évolué depuis que le Ballon d'Or a quitté le giron exclusif de France Football, son "papa", pour intégrer celui de la FIFA. Pour faire simple et court, jusqu'à 2009, le palmarès sur l'année écoulée était un critère central. Le principal, même. Depuis, ce n'est plus le cas.
Il s'agit aujourd'hui davantage de désigner le meilleur joueur du monde dans l'absolu que celui ayant le plus marqué les douze derniers mois par une accumulation de titres. La première édition version nouvelle mouture, en 2010, a donné le ton, avec le sacre de Lionel Messi, devant Iniesta et Xavi, champions du monde, et Wesley Sneijder, finaliste du Mondial et lauréat de Ligue des champions avec l'Inter. Messi, lui, n'avait rien gagné au plan international. A l'inverse, Sneijder était arrivé premier chez les journalistes qui, auparavant, étaient les seuls à voter, alors qu'ils ne comptent aujourd'hui que pour un tiers du panel. Avec le Ballon d'Or ancienne version, Messi n'aurait sans doute pas quatre Ballons d'Or. Sneijder, lui, en aurait peut-être un alors qu'il n'était même pas sur le podium en 2010…
Pour autant, est-on vraiment passé du jour à la nuit (ou l'inverse, selon les points de vue) ? Pas vraiment. Le cas de 2010 ne fut en rien une grande première. Il y avait déjà eu des Sneijder. Et des Messi. Si le palmarès avait vraiment prévalu de 1956 à 2010, une bonne dizaine de Ballons d'Or auraient été attribués différemment. Il a toujours été possible de décrocher le Ballon d'Or avec moins de titres que ses principaux concurrents. Rarement d’être sacré… sans n'avoir rien gagné. Ce fut le cas de Luis Figo en 2000. Ce sera le cas de Ronaldo cette année s'il l'emporte. L'an passé, Leo Messi était à peine mieux armé avec la seule Coupe d'Espagne. Nous pourrions donc avoir, au palmarès cumulé des deux derniers Ballons d'Or, une Coupe du Roi et basta. Reste qu'au-delà des critères, de leur nombre et de leur ordre, deux éléments sont inamovibles depuis 1956 :

1. Ce qui paye toujours: être une incontournable figure emblématique

Plus que le palmarès, l'atout majeur, c'est d'être identifiable de manière incontestable comme la star, le leader, le meneur ou le meilleur joueur de son équipe. Il faut pouvoir dire, "telle équipe, c'est l'équipe de X". Prendre place dans un collectif confinant au grand art, c'est la quasi-assurance de remporter des titres. Mais pas forcément le Ballon d'Or. Au contraire. Le cas de 2010 est à ce titre emblématique. Xavi et Iniesta ont été victimes de problème de riches, qui les a appauvris à l'heure du vote. Certains ont pu être choqués de voir Messi devancer le duo ibérique. Mais ces deux joueurs, aussi magnifiques soient-ils, n'incarnaient pas leur équipe. Ou plutôt, eux deux, si, avec d'autres. Mais pas l'un des deux. L'Argentine de 1986, c'était l'Argentine de Maradona. Même s'il y avait Valdano, Burruchaga ou d'autres. C'était Maradona. A la même époque, l'équipe de France était celle de Michel Platini. Malgré Giresse, Tigana, Bossis ou Rocheteau. Et ainsi de suite. Mais l'Espagne de 2010 fut transcendée aussi bien par un Casillas qu'un Xavi ou un Iniesta par exemple. On ne voit pas de figure incontestable émerger au-dessus de la mêlée. C'est précisément la force de cette œuvre d'art collective qu'est la Furia. Mais à l'heure de désigner le Ballon d'Or 2010, les voix se sont diluées et Messi en a profité.
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C'est un problème vieux comme le Ballon d'Or. Iniesta et Xavi sont les derniers membres d'une longue fratrie de frustrés. Même du temps où le palmarès de l'année était censé constituer l'alpha et l'omega du votant. En 1965, le regretté Eusebio avait ainsi devancé deux immenses joueurs de l'Inter Milan, Giacinto Facchetti et Luis Suarez. Pourtant, quelques mois plus tôt, Hellenio Herrera avait muselé Eusebio et l'Inter avait battu Benfica en finale de la Coupe des champions (1-0). Mais le Portugais incarnait Benfica. Il était Benfica. Ça aide. Un quart de siècle plus tard, le phénomène Inter, encore amplifié, a frappé l'Etoile Rouge de Belgrade. Vainqueur de la C1 en battant l'Olympique de Marseille en finale, elle possédait au moins trois joueurs avec l'allure d'un Ballon d'Or: Savicevic, Prosinecki et Pancev.
Pourtant, c'est Jean-Pierre Papin, le Marseillais vaincu, qui a hérité de la récompense suprême. Pancev et Savicevic ont dû se contenter de la deuxième place. Et encore, en la partageant avec Lothar Matthäus. Le problème des Yougoslaves ? Trois d'entre eux figuraient dans les cinq premiers et quatre dans les huit. La dilution des voix est l'ennemi du candidat au Ballon d'Or. Et dans cette course-là, l'abondance de biens au sein d'un collectif peut clairement nuire. C'est, peut-être, le danger qui guette Franck Ribéry aujourd'hui. Oui, le Français se voit attribuer beaucoup de récompenses individuelles. Preuve que dans cette rutilante mécanique qu'est le Bayern, il sait se faire remarquer. Mais on ne parle pas du Bayern de Ribéry comme du Real de Cristiano Ronaldo. Même avant 2010, si gagner c'était bien, gagner "seul" (les guillemets sont évidemment de rigueur), c'était donc beaucoup mieux. Ce qui mène à cette autre évidence qui transcende toute hiérarchie des critères:

2. Gagner c'est bien, briller c'est (encore) mieux

Un titre, même majuscule, est parfois impuissant face à ce qui éblouit. Le lauréat est souvent à l'image de l'objet qu'il reçoit: clinquant. De la même manière que l'Histoire retiendra toujours plus facilement le but de la victoire que la merveille de tacle glissé décisif, le panel du Ballon d'Or a toujours été séduit par les statistiques parlantes et les images fortes. Si Jean-Pierre Papin a raflé la mise en 1991, c'est aussi parce qu'il était la plus belle machine à marquer en Europe à cette époque. Mieux vaut toujours être une machine à marquer qu'un gardien de but, un défenseur ou un milieu récupérateur. Le Ballon d'Or s'offre aux créateurs, aux hommes décisifs de façon plus visibles que les autres. Injuste? Peut-être. Mais pour un Yachine ou un Cannavaro, combien de Maldini ?
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Un an après Papin, Hristo Stoichkov, vainqueur de la Ligue des champions avec le Barça, aurait mérité d'être couronné. Mais Marco van Basten est venu lui souffler la première place in extremis, à la faveur d'un double quadruplé en l'espace de quatre jours au mois de novembre, contre Göteborg en Ligue des champions et Naples en Serie A. Si beau, si fort, que les titres de Stoichkov passèrent au second plan. Pourtant, van Basten n'avait même pas joué la C1 avec le Milan (suspendu) et les Pays-Bas avaient perdu leur titre à l'Euro. Mais huit buts en deux matches en novembre valaient bien quelques titres. C'est le même phénomène qui joue en faveur de Messi aujourd'hui. Insatiable buteur, il est en permanence dans la lumière. Il n'a pas besoin de titres pour l'être. Franck Ribéry, si. Dans l'optique du Ballon d'Or, c'est la limite d'un joueur comme le Français, dépendant des conquêtes du collectif dans lequel il est impliqué, contrairement à ses deux rivaux.

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