Christophe de Margerie meurt dans un accident d'avion à Moscou
Par par Vladimir Soldatkin et Marine Pennetier et Matthieu Protard | Reuters
par Vladimir Soldatkin et Marine Pennetier et Matthieu Protard
MOSCOU/PARIS (Reuters) - Christophe de Margerie, le
président directeur général du groupe Total, est mort lundi soir dans un
accident d'avion à l'aéroport Vnoukovo de Moscou.L'avion d'affaires qui transportait Christophe de Margerie est entré en collision avec un chasse-neige sur la piste alors qu'il s'apprêtait à décoller à destination de Paris peu avant minuit (heure locale), selon la porte-parole de l'aéroport moscovite.
Total, qui a tenu une réunion de crise dans la nuit, a fait savoir sans plus de précisions qu'il réunirait un conseil d'administration "dans les plus brefs délais".
Le ministre de l'Economie Emmanuel Macron a de son côté déclaré sur BFM TV qu'il n'y avait "pas d'inquiétudes à avoir pour l'avenir" du groupe français.
Les noms de Philippe Boisseau, directeur général de la branche marketing & services de Total, et de Patrick Pouyanné, patron de la branche raffinage-chimie, tous deux membres du comité exécutif du groupe, ont souvent été évoqués pour succéder à Christophe de Margerie, qui était âgé de 63 ans.
Les actionnaires de Total avaient accepté en mai de repousser la limite d'âge du président du groupe de 65 à 70 ans et celle du directeur général de 65 à 67 ans, permettant à Christophe de Margerie d'être reconduit dans ses fonctions et lui donnant ainsi du temps pour préparer en interne sa succession.
A la Bourse de Paris, l'action Total, plus grosse capitalisation boursière française avec Sanofi, s'est inscrite comme la plus forte baisse de l'indice CAC 40 à l'ouverture, avec un recul de plus de 2%, avant d'effacer progressivement ses pertes. A 10h45, le titre prenait 0,77%.
"GRAND CAPITAINE D'INDUSTRIE"
Christophe de Margerie, qui rentrait d'une réunion sur l'investissement étranger organisée par le gouvernement russe, était le seul passager de l'avion d'affaires, un Falcon 50 de Dassault Aviation. Les trois membres d'équipage ont aussi été tués. Une tempête de neige s'était abattue sur Moscou et la visibilité était de 350 mètres au moment du décollage, ont précisé les autorités de l'aéroport Vnoukovo dans un communiqué.
L'Autorité russe de l'aviation civile a ouvert une enquête pour déterminer les causes de la collision et le Bureau d'enquête et d'analyses (BEA) devait dépêcher dans la journée trois enquêteurs en Russie.
Selon la commission d'enquête russe, un organisme dépendant directement du président Vladimir Poutine, le conducteur de la déneigeuse était ivre. "Actuellement, il est déjà établi que le conducteur du chasse-neige était dans un état d'intoxication alcoolique", a-t-elle indiqué.
Le parquet de Paris a de son côté ouvert une enquête pour homicide involontaire, a-t-on appris de source judiciaire.
Les présidents François Hollande et Vladimir Poutine, le Premier ministre Manuel Valls ou encore le ministre des Finances Michel Sapin ont rendu hommage à Christophe de Margerie, saluant "un grand capitaine d'industrie" et "un dirigeant d'entreprise hors du commun".
"Il avait notamment préparé l’avenir de l’entreprise, en l’orientant vers les énergies du futur", a souligné Manuel Valls.
Une minute de silence a été observée à l'ouverture du 19e sommet international du gaz et de l'électricité, organisé à Paris en présence de plusieurs ministres de l'Energie de pays africains.
Christophe de Margerie avait fait toute sa carrière chez Total, dont il était devenu directeur général en 2007 puis PDG en 2010. Surnommé "Big Moustache" pour sa moustache à la gauloise, il était reconnu pour sa compétence et sa connaissance des métiers du pétrole. Bon vivant, il était aussi apprécié pour son humour et son franc-parler.
Né le 6 août 1951, marié et père de trois enfants, diplômé de l'Institut universitaire de technologie et de l'Ecole supérieure de commerce de Paris ("Sup de Co"), Christophe de Margerie était entré en 1974 chez Total, dont il avait gravi tous les échelons.
"Il aurait pu être le roi du brut (champagne) il a choisi à la place d'être le roi du brut (pétrole)", avait dit un jour Pierre-Emmanuel Taittinger au sujet de son cousin.
LA RUSSIE, "UN PARTENAIRE"
Fervent défenseur de la Russie et de sa politique énergétique dans la crise ukrainienne, Christophe de Margerie avait déclaré à Reuters en juillet que l'Europe, plutôt que de s'inquiéter de sa dépendance au gaz russe, devait s'attacher à rendre ces approvisionnements plus sûrs.
"Allons-nous construire un nouveau mur de Berlin ?", avait-il dit, estimant que les tensions avec l'Occident poussaient la Russie vers la Chine. "La Russie est un partenaire et nous ne devrions pas perdre du temps à nous protéger d'un voisin (...)"
Total, quatrième groupe pétrolier mondial derrière Exxon, Royal Dutch Shell et Chevron, est l'une des majors les plus exposées à la Russie, où la production du groupe français devrait doubler d'ici 2020 pour représenter plus d'un dixième de son portefeuille mondial.
Total est aussi l'un des principaux investisseurs étrangers en Russie. Le groupe avait indiqué en septembre que les sanctions occidentales contre Moscou ne l'empêcheraient pas de travailler au projet Yamal, un investissement en coentreprise de 27 milliards de dollars pour exploiter les énormes réserves de gaz naturel du nord-ouest de la Sibérie, grâce auquel la Russie pourrait doubler sa part du marché mondial du gaz naturel liquéfié (GNL).
Vladimir Poutine, a déclaré le porte-parole du Kremlin, "appréciait beaucoup les compétences en affaires de Christophe de Margerie, son engagement non seulement dans le développement des relations bilatérales franco-russes mais aussi à des niveaux très variés".
Le PDG de Total avait aussi souvent été présenté par son prédécesseur Thierry Desmarest comme "Monsieur Moyen-Orient", une région dont il a eu la charge dans les années 1990.
C'est à ce titre qu'il avait passé en décembre 2006 soixante-quatre heures en garde de vue dans le cadre de l'enquête menée sur des commissions occultes versées lors du programme "Pétrole contre nourriture" mis en place par l'Onu en Irak à la suite de la première guerre du Golfe.
Poursuivi pour complicité d'abus de biens sociaux au préjudice de Total, il avait été relaxé par le tribunal correctionnel de Paris en juillet 2013.
(Avec Dmitry Zhdannikov à Moscou, Dominique Vidalon et Tangi Salaün à Paris, édité par Dominique Rodriguez)
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