L'analyse tactique de Brésil - Espagne (3-0) montre que le Brésil s'est inspiré du Bayern
Par Florent TONIUTTI
Un triomphe ? Sur le plan tactique, la finale de la Coupe des confédérations Brésil - Espagne (3-0) s'y apparente. Appliquant à merveille quelques points du plan de jeu du Bayern face au Barça, les Brésiliens ont confirmé qu’il fallait désormais les considérer comme un véritable collectif et plus une somme d'individualités.
C’est un onze-type brésilien au complet qui a débuté la finale. Malgré les difficultés rencontrées face à l’Uruguay au tour précédent, Luiz Felipe Scolari n’a rien touché et reconduit tous ses titulaires (Julio César – Daniel Alves, Thiago Silva, David Luiz, Marcelo – Luiz Gustavo, Paulinho – Hulk, Oscar, Neymar – Fred). Côté espagnol, Vicente Del Bosque devait une nouvelle fois faire sans Fabregas. Au tour précédent, Silva en avait profité pour débuter ; cette fois, c’est Mata qui s’est retrouvé sur l’aile gauche, complétant le trio d’attaque avec Pedro et Torres (Casillas – Arbeloa, Piqué, Ramos, Alba – Busquets, Xavi, Iniesta – Pedro, Mata, Torres).
D’entrée de jeu, le Brésil a pris l’ascendant en mettant la pression sur la relance espagnole. A tour de rôle, les quatre attaquants ont fait les efforts sur chaque passe en retrait, allant gêner Piqué, Ramos et Busquets dans leurs transmissions. Le milieu de terrain du Barça a été particulièrement perturbé par Oscar, décidément toujours prêts pour "agresser" les plaques tournantes des systèmes de jeu adverses (cf. ses travaux sur Pirlo lors du premier Chelsea-Juve de la saison, puis face à l’Italie plus tôt dans le tournoi).
Ce premier travail défensif abattu par les attaquants n’aurait évidemment été d’aucun intérêt si le reste du bloc ne l’avait pas accompagné. Calqués sur l’organisation espagnole, tous les "défensifs" du Brésil réagissaient aux mouvements de leurs adversaires directs. Ainsi, Paulinho et Luiz Gustavo restaient au contact de Xavi et Iniesta lorsque ces derniers étaient contraints de revenir dans leur camp pour aider à la remontée des ballons. Même chose pour Daniel Alves et Marcelo face à Mata et Pedro. Enfin, David Luiz et Thiago Silva se partageaient Fernando Torres, cherchant à le devancer sur les transmissions qui lui étaient adressées. Ne laissant aucun répit aux axiaux espagnols, les Brésiliens ont forcé leurs adversaires à passer par les couloirs et à utiliser les relais de ses latéraux, seuls "oubliés" par leur système, pour atteindre la ligne médiane. La formule qui avait fonctionné avec l’Italie a aussi marché face à l’Espagne (lire : Rapport : le Brésil de Scolari). Complètement dépassée, la Roja a craqué dès la deuxième minute de jeu après une action lancée par David Luiz, sur un changement de jeu à destination de Hulk (dominateur face à Jordi Alba). Déjà, le Brésil avait réussi son premier pari : concrétiser au tableau d’affichage les efforts réalisés pour étouffer son adversaire (ce que n’avait par exemple pas réussi à faire le Borussia Dortmund lors de la finale de Ligue des champions).
Facteur numéro deux : la relance brésilienne
Au-delà de son excellent comportement défensif, le Brésil a aussi pris le dessus dans ce match en trouvant les solutions pour se défaire des tentatives de pressing espagnol. En début de partie, celles-ci se faisaient rares, la Roja ne parvenant tout simplement pas à s’installer au milieu de terrain pour ensuite occuper le camp adverse. Forcés de défendre sur Marcelo et Daniel Alves, très important dans les circuits offensifs brésiliens, Pedro et Mata ne pouvaient pas épauler Torres en première ligne.
Du coup, ce sont Iniesta et Xavi qui sont sortis à tour de rôle à hauteur de leur attaquant, pour s’opposer aux défenseurs centraux adverses. Mais le reste du bloc ne suivait pas. Seul devant la défense, Busquets devait à la fois surveiller Oscar et parfois gérer avec les appels de Neymar ou Hulk dans sa zone (comme Marchisio et Candreva lors de la demi-finale). Une fois de plus, le milieu du Barça a souffert de l’absence de Xabi Alonso à ses côtés. L’Espagne n’a jamais su gêner les sorties de balle de son adversaire, qu’il choisisse de jouer court ou de sauter la paire Luiz Gustavo-Paulinho et alerter directement ses attaquants.
Le second but du Brésil a d’ailleurs bien illustré ce problème puisque tout est parti d’une relance de Daniel Alves sur Hulk. Résistant à la charge de Busquets, plus en mesure de le défier physiquement que Jordi Alba, ce dernier a remis le ballon dans la course d’Oscar. Le milieu des Blues est ensuite parti défier la défense espagnole, laissée sans protection. La passivité de cette dernière et le repli hasardeux du reste du bloc lui a même permis de temporiser et d’échanger une fois avec Neymar avant de le lancer dans la surface de réparation (2-0, 44e).
Facteur numéro trois : un Brésil "bavarois"
Peu après le quart d’heure de jeu, les attaquants brésiliens ont relâché la pression sur la relance adverse. L’Espagne a enfin eu le droit de respirer et de s’installer aux abords du rond central. Face à elle, le Brésil attendait désormais en 4-4-2 avec Fred et Oscar en première ligne pour faire face à Ramos, Piqué et Busquets. Un système de jeu qui n’était pas sans rappeler celui qui a permis au Bayern de marcher sur le Barça au printemps
A l’instar de Javi Martinez et Schweinsteiger à Munich, Luiz Gustavo et Paulinho suivaient les déplacements de Xavi et Iniesta. Ils venaient notamment combler les intervalles séparant Oscar et Fred des deux excentrés (Neymar et Hulk), zones souvent utilisées par les deux Barcelonais pour récupérer les ballons et se mettre dans le sens du jeu. Ils permettaient ainsi à leurs attaquants de ne pas avoir à quitter leurs positions dans l’axe. Fred en a même parfois profité pour relancer le pressing sur les passes en retrait espagnoles.
Lorsque les milieux brésiliens étaient contraints de se livrer de cette manière, les défenseurs prenaient le relais en serrant le marquage de leurs adversaires directs. Comme lorsque le pressing brésilien était à son apogée, Thiago Silva et David Luiz ont ainsi réagi à tous les décrochages de Torres. Dominateurs dans les duels, ils ont fait vivre une soirée difficile au futur meilleur buteur de la compétition ; preuve de leur importance, le seul duel qu’ils ont perdu en première mi-temps a offert à l’Espagne sa plus belle occasion de la partie (tir croisé de Pedro, sauvé sur sa ligne par David Luiz, 40e).
Daniel Alves et Marcelo ont eux aussi été amenés à répondre aux mouvements de Mata et Pedro pour couvrir leurs milieux de terrain. Le premier a d’ailleurs rapidement pris le dessus sur Mata, ne lui laissant que très peu d’espaces, même lorsqu’il revenait travailler dans l’axe. Il bénéficiait en couverture du travail défensif de Hulk sur Jordi Alba. Plus puissant physiquement, l’attaquant du Zénith n’a pas eu à beaucoup s’employer pour éteindre le latéral gauche du Barça sur les phases offensives adverses.
Tout comme Neymar de l’autre côté du terrain, Hulk revenait parfois aider ses milieux de terrain lorsque les Espagnols tentaient de faire la différence balle au pied. Iniesta s’est régulièrement retrouvé avec deux voire trois joueurs sur le dos, et aucun relais susceptible de lui venir en aide. Comme face à l’Italie, les attaquants n’ont pas su répondre au défi physique imposé par les défenseurs adverses et n’ont donc pas pu être les points d’appui qui lui permettent habituellement de pénétrer dans les 25 derniers mètres. Le repli de Luiz Gustavo et Paulinho lorsqu’ils étaient dépassés (comme Pirlo-De Rossi lors de la demi-finale) empêchait en plus tout « accroc » dans la fluidité des combinaisons.
Xavi éteint, Iniesta entouré, Busquets bloqué par Oscar et Fred, les attaquants battus dans les un-contre-un… Pendant plusieurs minutes, l’Espagne n’a tout simplement eu aucun poids sur l’axe, son terrain de jeu habituel. Comme pour remonter le terrain, le jeu passait principalement par les côtés où les latéraux pouvaient faire office de relais. Mais là encore, à moins d’une passe dans l’espace (Arbeloa pour Pedro par exemple), les Espagnols se heurtaient à l’excellent positionnement de la défense brésilienne, toujours prompte à aller au contact, tout en recevant l’aide des joueurs dépassés au départ de l’action (repli de Luiz Gustavo, Paulinho, Oscar, Neymar ou Hulk…).
Comme face à l’Italie, la solution pour l’Espagne est venue de l’arrière et des prises de responsabilité de Sergio Ramos et Piqué. Oscar et Fred étant focalisés sur Busquets et les milieux qui revenaient à sa hauteur, les deux défenseurs centraux étaient souvent libres de porter le ballon pour franchir ce premier rideau. Pour le Brésil, tout se jouait alors sur la capacité des milieux à sortir sur ces porteurs de balle « imprévus » et celle des défenseurs à s’adapter pour couvrir les zones et les joueurs abandonnées.
Passé ce but, les Brésiliens ont géré la fin de la partie sans difficulté majeure. Après avoir fait entrer Azpilicueta à la place d’Arbeloa à la mi-temps, Vicente Del Bosque a rapidement sorti l’atout Jesus Navas (52e, remplaçant de Mata) de son banc. En deux minutes, l’ailier droit a eu le temps de provoquer un penalty manqué par Sergio Ramos (54e). Une fois encore, son apport en terme de percussion le rendait intéressant car différent des comportements vus et contrôlés par la défense brésilienne depuis le début du match.
Luiz Felipe Scolari en a même ajusté son système de jeu en demandant à Oscar d’aller défendre dans le couloir gauche pour laisser Neymar dans l’axe en soutien de Fred. Le néo-Barcelonais a posé d’énormes problèmes en contre, profitant une fois encore de la solitude de Busquets en couverture devant la défense pour récupérer les ballons de relance. L’expulsion de Piqué (68e) a mis fin au peu de suspense qu’il restait : Busquets glissant en défense centrale, l’Espagne perdait à la fois son spécialiste défensif dans l’entrejeu et se retrouvait dans l’obligation de limiter les montées d’un Xavi déjà en souffrance depuis le début de la partie. A défaut de pouvoir revenir, les Espagnols ont tout de même su stopper l’hémorragie et éviter un score encore plus sévère.
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